top of page

La salade de la rue mouffetard

26 mars 2014

L’agriculture urbaine, vous en avez sûrement entendu parler si vous habitez Montréal ou Berlin. Mais à Paris, saviez vous que des expérimentations sont en cours? En effet, des légumes sont en train de pousser au cœur de la ville...au sommet de certains immeubles!

 

A la suite d’une rencontre entre agronomes et architectes, le toit d’Agroparistech, dans le 5e arrondissement, a été transformé en potager urbain: petits fruits et légumes poussent tranquillement, à l’abri du vacarme urbain et profitant du soleil parisien (quand il y en a ).

 

Le principe: recréer un sol, dans des bacs, avec des déchets issus de la ville. Le système est appelé “lasagnes”: il s’agit d’une alternance entre un compost (matière organique en décomposition) brun, composé de morceaux de bois d'élagage issus des arbres urbains de Paris, et un compost vert constitué d’un mélange de marc de café et déchets verts venant des parcs et espaces vert de la ville. Ce sol recomposé permet aux légumes de pousser en quantité et qualité (d’après les tests effectués pour l’instant). Les plantes qui poussent dans ces bacs sont des tomates cerises et des salades, mais aussi des petits arbres fruitiers, des fraises, de la vigne et des herbes aromatiques. Cette diversité a attiré des abeilles, qui sont maintenant bien installées car une ruche à été implantée pour elles, et une saison de miel a déjà été récoltée!

 

C’est bien beau, me direz vous, mais ça sert à quoi, ces expériences? Tout d’abord, plusieurs entités peuvent en profiter. Topager, une entreprise de jardins sur les toits crée par Nicolas Bel, a déjà installé plusieurs potagers: la Tour d’Argent et les Terroirs Parisiens ont le leur, permettant ainsi à ces grands restaurants de disposer de légumes et fruits extra frais, d'excellente qualité gustative car de variétés anciennes et soigneusement choisies (mais ne supportant pas le transport ou le conditionnement par exemple). Mais le marché de niche de l’alimentation de luxe n’est pas le seul bénéficiaire de ces légumes aériens: les jardins associatifs, de plus en plus nombreux à Paris, permettent aux habitants de la ville en situation souvent précaire de produire une partie de leur alimentation grâce aux espaces libres mis à leur disposition par les mairies: friches, espaces publics et ...toits des immeubles!

 

Mais attention, tous les toits de Paris ou d’ailleurs ne sont pas près à accueillir des bacs de culture: il faut que la portance soit élevée, et que le toit ne soit pas en pente, or la plupart des toits parisiens sont Haussmanniens (dômes en zinc)… Ce serait donc en banlieue qu’il y aurait le plus d’espace disponible et exploitable. Les tests de pollution sont également à réaliser, notamment concernant la pollution due à la circulation motorisée, or aucune directive européenne n’est imposée à ce jour sur ce sujet (et ce, où que soient produits les légumes: au bord d’une autoroute ou au sixième étage d’un immeuble). La société urbaine acceptera-t-elle de consommer des légumes produits au cœur de la ville, à cette époque où la remise en cause des preuves scientifiques et de plus en plus présente?

 

Et puis, peut on parler réellement d’une “agriculture urbaine”? Le but de cette démarche est-il de rendre la ville de Paris autosuffisante en production maraîchère? Certainement pas. Cette production intra-urbaine est encore balbutiante à Paris (alors qu’au Canada, elle est bien plus développée, et vitale dans certains pays du Sud), mais le retour de la “nature en ville” semble intéresser et mobiliser de plus en plus de citadins n’ayant eu aucun contact avec le monde agricole auparavant. Alors, pratique à la mode pour bobos à vélo ou véritable prise de conscience sur l’alimentation et les enjeux environnementaux de celle-ci? Affaire à suivre…

 

Crédit photo: Topager 

 

Octavie Toublanc-Lambault

La préfecture veut mettre le Mimi's en sourdine

25 février 2014

Mickael Pinto, patron du Mimi’s, a ouvert son bar le 7 septembre 2013. Six mois plus tard, la préfecture du IVe arrondissement le menace d’une fermeture administrative. Neuf jours sont annoncés. Un avertissement ou une menace sérieuse pour la survie de l’établissement de la rue Jean Beausire ? La décision est attendue dans une quelques jours.

 

Les voisins de l’immeuble ne se plaignent pas du bruit. C’est un homme de l’immeuble mitoyen qui a exprimé son mécontentement auprès des forces de l’ordre. “La police est venue plusieurs fois, j’ai été convoqué pour un entretien à la préfecture pendant 40 minutes” indique le tenancier. Le niveau de décibels réglementaire est pourtant respecté en ce nouveau lieu de vie de la rive droite. Franck, un habitué, parle d’un “lieu convivial, bien situé et à l’esprit bon enfant”. A l’écart de l’agitation des rues attenantes, les clients se sentent un peu comme à la maison au Mimi’s. Un beau vert sapin colore les murs, des lits ont été aménagés en canapés et ornés de gros coussins aux accents seventies, des lampes old school créent une ambiance tamisée. Un cadre de vélo est posé dans un coin. Des carafes en crystal vintage, une balançoire. Le Mimi’s a collaboré avec la créatrice de la marque Mimi’s beer, Laura Marciano. C’est elle qui a travaillé sur l’identité visuelle du bar et l’étiquette de sa bière éponyme. Car derrière ce nom, se cache aussi une bière bio, made in France, fabriquée en exclusivité dans les Alpes. On peut ici déguster des bières étrangères à un prix raisonnable : la fameuse Brooklyn américaine, la Platzen allemande ou encore la Gallia, mythique blonde parisienne réinventée en 2012. Des caisses de Mate berlinois ont également investi le lieu.

 

La cabine du dj trône en hauteur. Du jeudi au samedi, elle offre une tribune aux jeunes artistes de la scène parisienne. Jazz, hip-hop, techno… Tous les styles sont bienvenus. Thomas, client, aime cette “déco appartement”. Il trouve que peu de bars parisiens s’ouvrent à une telle diversité musicale. Selon lui, “le Mimi’s a su s’adapter à son époque”. Il ajoute que la possible fermeture “l’attristerait sérieusement”. Une pétition a été mise en ligne sur le site Avaaz.org. Elle a déjà reçu plus de 1.000 signatures. La mobilisation est intense pour sauver ce bar de quartier, lieu de rencontre et actif pour faire vivre la scène musicale parisienne. Le patron espère qu’elle “aura du poids auprès des élus municipaux”, qu’il doit rencontrer prochainement. Les factures des travaux effectués dans le fumoir, les devis notifiés à la préfecture en vue des futurs travaux ne suffisent pas. “C’est une décision arbitraire”, soupire le patron, qui envisage d’agrandir son établissement et de créer une nouvelle salle de concert au sous-sol, dans le but de limiter les nuisances sonores. Il a récemment investi dans un rétroprojecteur et compte acheter des platines. Mickael Pinto accueille aussi de jeunes collectifs parisiens.

 

Prochaine soirée en date le 28 février. Le collectif Osé, créé il y a un peu plus d’an an par Fadi-Pierre Singer, s’installera au Mimi’s pour une soirée multiculturelle déclinant le métissage sous toutes ses formes. Au programme : vernissage photographique, installations, live dj set et autres performances artistiques.

 

Pour signer la pétition, c’est par ici. 

 

Le Mimi’s

13 rue Jean Beausire 75004 Paris

Ouvert du mardi au samedi de 18h à 2h

Aude Borel

La Marche du Petit Journal, une promotion citoyenne

30 novembre 2013

        Inspiré de l’histoire, trop souvent oubliée, de la marche pour l’égalité de 1983, le film La Marche, actuellement en salles, nous raconte l’aventure humaine de cette poignée d’individus - bientôt rejoints par de nombreux autres – décidés à se battre contre le racisme. Trente ans après une piqûre de rappel ne semble pas inutile. A juste titre, le remède a été administré, d’une main de maître, par le Petit Journal qui parvient à conjuguer mouvement citoyen et coup de promotion.

       

        Apprécié par 7 % des téléspectateurs en moyenne chaque soir et détesté des politiques, le Petit Journal nous offre tous les soirs depuis 2004 un regard décalé, amusant et souvent critique sur l’actualité. Dans la nouvelle formule de l’émission, inaugurée cette année, « Le défi Musqua » compte parmi les nouveautés. Armé de son sourire contagieux et de son culot inoxydable, il relève chaque soir des défis plus ou moins loufoques, citons par exemple clasher Booba avec Yann Moix (prix Renaudot 2013), aller à la Fashion Week interviewer Bernadette Chirac, aller au Salon des grands sur des échasses, remplacer Sébastien Loeb au rallye d’Alsace… Le 11 novembre, un nouveau défi lui a été lancé par Yann Barthès : rééditer la marche de 1983 (dans une version raccourcie) en marchant de Vénissieux (banlieue lyonnaise) à Paris. Un résumé de la journée ainsi qu’un duplex depuis la ville-étape étant diffusé chaque soir dans l’émission. Bien évidemment les réseaux sociaux étaient mobilisés et les téléspectateurs au rendez-vous chaque soir pour participer au rassemblement organisé dans leur ville.

        Globalement l’opération a été un franc succès, plusieurs centaines de personnes dans chaque ville étape, 66 marcheurs sur le plateau du Petit Journal lors de l’arrivée, de nombreux cadeaux et messages d’encouragement et même un appel de la Garde des Sceaux pour féliciter Maxime Musqua de son initiative. Cet important soutien fait chaud au cœur, il est bon en cette période tendue de voir une initiative telle que celle-ci et l’adhésion qu’elle emporte. Mais il est d’autant plus intéressant d’observer que l’événement est organisé autant autour de la marche de 1983 que du film éponyme. En partie financé par Canal et avec quelques acteurs maisons (Jamel Debbouze, Charlotte Le Bon…), le film est cité à égalité avec l’événement historique. Jamel se trouvait par exemple avec Toumi Djaïja lors de l’arrivée de Maxime Musqua à Paris sur le parvis de Montparnasse. Ainsi, le film est fortement associé à un mouvement citoyen, relayée par l’image cool du Petit Journal qui, rappelons-le, a construit sa marque sur l’impertinence et la preuve par l’image. La promotion n’est donc en rien masquée, mais au contraire avance à découvert, pleinement associée à l’argument sous-jacent du devoir de mémoire. Ainsi, aller voir le film devient un acte citoyen à part entière. Nous verrons d’ici quelques jours, mais je ne doute pas que cette opération ait attiré de nombreux spectateurs. Et quel meilleur critère que la propension à susciter l’acte d’achat pour mesurer la réussite d’une opération publicitaire? Défi réussi.  

 

Gabriel BACAVE

Chronique d’une fusillade: quand les media créent l’information

19 novembre 2013

        Le lundi 18 novembre 2013 aura été l’occasion de prendre conscience de l’importance croissante des media. Et quel embarras.10h15 : un individu pénètre dans les locaux de Libération. Il porte une parka kaki, et un jean délavé. Ah ! Sous le bras : un fusil à pompe. Il fait feu à trois reprises, blesse grièvement un assistant photographe dont le pronostic vital est toujours engagé. La suite est plus confuse : 12h, bis repetita (semble-t-il) à l’agence de la Société Générale de La Défense. Pas de blessés. Puis une course jusqu’aux Champs, où le chauffeur du véhicule est otage. Et pouf. Evanescence.

 

        Voilà pour les faits. L’important dans cette histoire n’est pas leur récit, mais ce qui les a rapidement englobé : une surabondance médiatique. En temps réel : les journaux TV et sites en ligne traitent l'affaire minute après minute. On craint le Merah-bis, on craint l’attentat : le sprint à l’information a commencé. Qui sera le premier à traiter le sujet ? Qui pourra se rapprocher au maximum de la réalité ? Sous l’impact journalistique, le peuple s’affole. Le criminel serait toujours dans le métro, armé et dangereux. Il pourrait récidiver. Il pourrait tuer. Et c’est là justement où ça coince.La population s’est emparée d’un événement pour concrétiser ses craintes. Cette fusillade, c’est un peu notre « World Trade Center ». Non pas que l’Etat soit derrière tout ça (certains adhéreront volontiers à une théorie du complot) : mais l’affaire a eu pour effet de stigmatiser les peurs les plus profondes des parisiens. Qui blâmer ? Les journaux, pour transmettre l’effroi ? Les particuliers, pour recevoir si facilement cette histoire d’épouvante ?

        Ne vous méprenez pas sur mes intentions : qui que soit le fautif, il a commis plusieurs infractions. La plus grave sera déterminée en fonction des suites des blessures du photographe et de l’état d’esprit du criminel. Entrent en concours les qualifications de meurtre, violences volontaires ayant entrainé la mort – ou ayant entrainé une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours – ou encore d’homicide involontaire. En jeu ? Une peine de prison oscillant entre 3 et 30 ans de prison. L’individu mérite donc d’être appréhendé par la justice. Et d’être entendu. Puis condamné ? L’avenir nous le dira. Mais en aucun cas, il ne mérite les qualificatifs attribués par la presse. On en a fait un  assassin sanguinaire. A-t-il au moins voulu tirer sur le photographe ? Il a été présenté comme un dangereux criminel en fuite. Quoi de plus normal que de vouloir échapper aux poursuites après avoir gravement blessé un individu ? Le soir même le journal TV d’M6 en fait déjà « l’ennemi public n°1 ». Qui cet homme a-t-il bafoué pour mériter ce surnom ? La France ? La « Mère Patrie » ? L’intégrité du territoire ? Je n’irai pas jusque là.

        S’ils sont excessifs, ces propos ont au moins le mérite de mettre en lumière les peurs tenaces inhérentes à l’univers médiatique. Si le journalisme se plaint régulièrement de la mise en danger de la liberté d’expression, comment perçoit-il une agression armée et directement orientée vers la profession ? Mal, assurément. Et cela se ressent.

 

        S’il fallait conclure, sûrement devrions-nous rappeler qu’aujourd’hui, les motivations de l’homme demeurent incomprises. Peut-être est-il le dangereux criminel présenté. Peut-être n’est-il au contraire qu’un citoyen lambda, dépassé par sa vie, par la société qui l’encadre : en somme un homme noyé, immergé dans le cours des choses, et qui a vainement – à tort – tenté de réagir. Mais par respect pour le droit à un procès équitable, pour ne pas interférer avec le travail de la police, et du ministère public : pour toutes ses raisons légitimes et sociales, il convient, je le crois, de ne pas tirer de conclusions hâtives. Et de ne pas trancher abusivement.

 

Affaire à suivre.

Matthieu Crépin

Please reload

Société

bottom of page