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Des émeutes dans notre jungle sonore

22 janvier 2013

« Riots in the jungle », premier album du groupe Skip&Die, transcende, rafraîchit et dépayse en ces temps de minimalisme électronique. Décryptage d’une missive explosive, qui n’a pas laissé de marbre les festivaliers de l’été…


Cata Pirata, d’origine sud-africaine, et Jori Collignon, son acolyte hollandais, nous assaillent de sonorités multiculturelles avec leur road-trip musical, fruit de leurs rencontres à travers l’Afrique du Sud.
Le groupe, basé à Amsterdam, tente une expérience  périlleuse mais néanmoins réussie : les accords suaves de cumbia aux envolées dubstep -La Cumbia Dictatura- cèdent la parole au hip-hop zoulou, xhosa ou afrikaans -Lihlwempu Lomlungu-, léger écho de leurs compatriotes de Die Antwoord, puis s’ensuit une ballade sucrée faussement frivole – Anti Capitalista.
Les chants de l’avifaune, flûtes et maracas guident une voix féminine qui tient à exprimer engagement et militantisme. Les vidéos qui font déjà le buzz et les paroles en quatorze langues différentes dénoncent les désastres d’un monde consumériste (Jungle Riot), les dangers du prosélytisme (Love Jihad) et les injustices. Souvent comparée à la talentueuse M.I.A., la chanteuse à la chevelure  chamarrée dégage une énergie qui évoque parfois les compositions et le rythme de Crystal Fighters.

De la trance hypnotique à la tropical bass en passant par quelques notes jazzy, « Riots in the jungle» est plus qu’un carnet de voyage coloré, il est assurément un hymne à la révolution des consciences.

 

La cumbia dictadura, Skip&Die

Jungle Riot, Skip&Die

 

Octavie Toublanc-Lambault

Ez3kiel : Naphtaline Orchestra

12 décembre 2013

 

 

        Le groupe EZ3kiel, dont la réputation n'est plus à faire, parvient pourtant à nous bluffer, une fois de plus, par le génie des membres qui le composent. Leurs premiers albums plutôt orientés dub, trip-hop, étaient déjà de petits joyaux musicaux à eux seuls. Entre deux pistes, l'univers se fait différent, tantôt violent avec "Barb4ry", puis intense avec "3 rue montplaisir": chaque morceau laisse une empreinte dans notre oreille, si bien que lorsque l'on écoute le suivant, le premier n'a pas fini de raisonner dans nos cerveaux. C'est bien la grande force d'EZ3kiel : nous tirer de monde en monde dans un incroyable voyage musical ou le lyrisme se marie à une douce violence, avant de s'apaiser.

       A ce stade, il est difficile de dire si tout cela est du génie ou de la folie. Le groupe pourtant n'a pas fini de nous étonner, avec la sortie en 2011 de Naphtaline Orchestra, une ré-orchestration de nombreux titres principalement tirés de l'album éponyme "Naphtaline". Toute l'étendue du talent d'EZ3kiel se retrouve ici. Les titres sont sublimés, animés d'une nouvelle vie et d'une intensité particulière qui prend aux tripes et déclenche ce sentiment que l'on oublie parfois : l'esthétique.

        Ez3kiel a toujours eu cette habitude de déborder des cadres qu'on aurait pu lui donner. Avec Naphtaline Orchestra, le groupe développe une harmonie scénique époustouflante, où les morceaux réorchestrés par Stéphane Babiaud (le batteur et multi-instrumentiste du groupe, chef d'orchestre pour l'occasion) trouve une résonance toute particulière avec les artworks soignés de Yann Nguema. Le tout nous transporte dans un monde sombre et lumineux, à la fois lancinant et inquiétant. Prouesse musicale, les instruments originaux comme la scie ou le verrillon trouvent des places de choix au sein de cette production unique en son genre.

 

A écouter sans crainte, autour d'un verre ou sous une couette!

 

 

 

 

Quentin Pauleau

Un nouveau rock au goût du passé

25 novembre 2013

Est-ce dans le passé que se trouve le nouveau rock ?

 

        Aujourd’hui, l’on s’adresse aux mélomanes et plus particulièrement à toi ! Toi le nostalgique d’un temps que tu n’as pas connu : les sixties & seventies. Toi qui as compris qu’en seulement deux décades le rock s’est réinventé mille fois pour atteindre son plus haut degré de perfection. Oui, toi ! Celui qui n’espère plus grand-chose de la musique actuelle (ce semblant d’artistique polluant nos ondes radio)… Eh bien, sache qu’il existe, encore aujourd’hui, des musiciens inspirés. Pensons notamment à cette nouvelle génération qui, regardant vers le passé, souhaite se détacher du consumérisme actuel et proposer une musique neuve. Evidemment, le challenge n’est pas aisé, mais l’idée est stimulante. Et surtout nécessaire ! Petit tour d’horizon de ces nouveaux artistes, pleins de promesses.

        Le premier album de Willy Moon, sobrement intitulé Here’s Willy Moon (2013), propose un mélange des plus originaux, entre rock’n roll et hip-hop, le tout dans une musicalité sinon avant-gardiste, du moins très actuelle. L’influence des fifties est marquée, mais aussi affirmée par une reprise du célèbre I Put A Spell On You (Screamin Jay Hawkins). Quant aux sixties, elles sont bel et bien présentes, notamment dans ce très réussi pastiche des Kinks qu’est le titre She Loves Me. La créativité de Willy Moon se retrouve dans quelques autres indispensables : Get Up What You Need, Railroad Track, I Wanna Be Your Man et enfin, l’électrisant Shakin All Over. Vous le constaterez par vous-même, c’est avec inventivité et brio que Willy Moon réussi à faire le pont entre deux époques, offrant de nouvelles sonorités.

        Dans un autre style, plus inattendu encore, King Krule propose une musique polymorphe, parfois qualifiée de trip-hop. Il est vrai que son premier album, 6 Feet Beneath The Moon, regorge de nombreuses influences. On y retrouve notamment des sonorités bluesy, jazzy, électroniques ou encore post-punk. Le résultat, vous n’en doutez pas, est imprévu. Pour vous en assurer, penchez l’oreille sur les titres suivants : A Lizard State, Baby Blue et The Krockadile. Dans un registre un peu plus confortable : Will I Come et Neptune Estate. Enfin, évoquons brièvement le morceau Easy Easy, qui fait office d’ouverture sur l’album. Ce titre est indéniablement marqué du sceau de Joy Division, dans une ambiance grave, surplombée par la voix de l’artiste. Là est d’ailleurs l’une des originalités de cet opus : il donne toute son importance à cette voix grave, maitrisée et surfant sur plusieurs styles. Bref, vous l’aurez compris, une musique comme celle-ci ne peut laisser indifférent. Peu importent les appréciations personnelles, il est certain que King Krule offre et promet de grandes choses à la musique.

        Plus conforme et, par conséquent, plus commercial, le jeune anglais Jake Bugg propose une musique somme toute intéressante, sinon géniale, car, précisons-le, c’est bien à un p’tit génie que l’on a affaire ! Agé d’une vingtaine d’années, l’artiste maitrise parfaitement sa guitare (bien entendu !) mais surtout un pan entier de la musique contemporaine, à savoir la musique folk/rock. Son premier album, éponyme du nom (2012), en était la preuve. Très récemment, est paru son deuxième opus : Shangri-La (2013). C’est l’occasion de retrouver sa voix nasillarde et surprenante, mais aussi ses mélodies et rythmes d’un ancien temps. Cependant, précisons-le, ce nouvel album est quelque peu décevant en ce sens qu’il ne tient pas toutes ses promesses. Effectivement, l’artiste nous sert des titres qui, pour la plupart, sont exactement dans la même veine que le premier opus. Si la recette fonctionne encore, qu’en sera-t-il du troisième album ? Mais ne soyons ni trop sévère ni trop pessimiste ! Encore une fois, les compositions restent de qualité et, indéniablement, Jake Bugg sait y faire ! Vous serez très certainement de cet avis après avoir écouté Slumville Sunrise, un titre audacieux et fortement inspiré, semble-t-il, de la chanson You’re The One I Want du film Grease. Ajoutons à cela le morceau Kitchen Table, dont l’orgue électrique rappelle sans cesse les plus beaux morceaux des Doors. Quant au titre Kingpin, ses sonorités garage et ses guitares électriques entremêlées laissent envisager de nouveaux horizons musicaux pour l’artiste. Enfin, la pièce charnière de cet album : Messed Up Kids, un morceau envoûtant (d’ailleurs choisi comme single) dont le riff de guitare, sublimement bien pensée, alterne parfaitement avec le refrain plus agité. Il s’agit là d’un morceau qui, partant d’influences précises, parvient à nous amener ailleurs. Jake Bugg réussit à faire le pont entre ses influences musicales et la période présente, ouvrant des perspectives. Il faut l’avouer, sur l’album, celles-ci sont plutôt minces, mais c’est certainement sur ce titre que le pari est le mieux réussi. Bref, si la musique de Jake Bugg ne dégage pas (encore) de nouveaux horizons musicaux, elle vaut bien plus que le détour !

        Toujours dans la tonalité rock, un groupe irlandais aux influences très (trop ?) marquées : The Strypes. D’apparence, on ne miserait pas beaucoup sur ces quatre mecs. L’allure est arrogante, on croirait à des p’tits morveux prépubères convaincus de maîtriser sur le bout des doigts l’encyclopédie du rock. Et pourtant…. ! Leur premier album, The Snapshot (2013), arrive comme une petite bombe. Ce condensé électrique de rythm & blues et de rock, témoignant d’une certaine maturité, est une vraie gifle dans la gueule. Les afficionados ont couru les soutenir en première partie des Artic Monkeys et ne semblent pas s’en être remis. Apparemment, le quatuor sait agiter les foules. Et à l’écoute de leur album, on n’en doute pas ! On imagine aisément le public en transe, danser un bon vieux pogo. En même temps, il faut dire que leur musique sert bien leur cause. Il s’en dégage une énergie folle, plutôt impressionnante. En témoignent les morceaux suivants : What People Don’t See, She’s So Fine, I Can Tell ou encore What A Shame. Cependant, on regrette que The Strypes n’ait pas été plus créatif dans ses compositions. Mises à part ses influences, que sont les Yardbirds, les Pretty Thing, Them ou encore Bo Diddley, entend-on vraiment la personnalité du groupe sur cet album ? Certes, il se dégage de leur musique force et vigueur, mais quelle est la plus-value ? Finalement, la faiblesse The Strypes est de ne pas avoir su, sinon point tenter de faire la passerelle entre des influences sixties et les possibilités qu’offrent la musique et les techniques d’aujourd’hui. Voilà qui est plutôt regrettable…

 

        C’est sur cette mauvaise note, toute relative, que s’achève notre tour d’horizon. Bien évidemment, la nouveauté rock des dernières années ne se résume pas uniquement aux seules formations évoquées dans cet article (!). Il s’agit ici de quelques coups de cœur plus ou moins médiatisés. Là est d’ailleurs le plus encourageant : on médiatise encore aujourd’hui, toute proportion gardée, du bon rock ! Créatif, inventif, ouvrant parfois de nouvelles perspectives et, qui plus est, jeune ! Si le rock appartient encore aux vieux dinosaures des seventies que sont Mick Jagger, David Bowie et consorts, il est certain qu’une relève se prépare, jeune effervescente insurgée (on l’espère !) contre la musique formatée des dix dernières années.

Elliot L.

De Gaulle aux platines

23 novembre 2013

        En pleine crise du politique, la tombe du Général devient un objet de convoitise. Front National ou UMP, on s'arrache de tous bords ce qu'il reste de l'héritage gaulliste. Pire, on a même signalé la présence d'une élue socialiste mitterrandienne venue se recueillir à Colombey-les-deux-Églises. L'instrumentalisation du cadavre est une spécialité de l'homme politique en quête de légitimité. Déplacé ? Peu importe, c'est efficace. Alors, mettons nous d'accord : quitte à profaner la mémoire du Grand Charles, autant que le résultat soit amusant.

 

       Dans l'ordre du blasphème, le tumblr degau2le est un véritable cas d'école. Le principe ? Retranscrire quelques punchlines du rappeur Booba sur une série de photos du fondateur de la cinquième république. Cette revisite de l'histoire par l'absurde arrache un sourire, en particulier lorsque l'on surprend « Mon général » manifestement occupé à «mate[r] le cul des biatchs» quand il ne cherche pas à «foutre le feu, nique sa mère et son père». Pendant ce temps là, Yvonne De Gaulle «ferme un peu [sa] gueule» et va lui «faire un steak-frites». Rien que ça. Ressuscité par l'acidité lyricale de Booba, tout se passe comme si le lecteur s’immisçait dans l'esprit de l'homme du 18 Juin. En bref, Charles De Gaulle se retourne dans sa tombe.

Vous l'aurez compris, le choix de la citation du rappeur pour accompagner les photos d'archives est délicieusement impertinent. Ainsi, le détournement efficace de cette série d'images brosse un portrait dépoussiéré d'un Général qui devient alors grossier, désinvolte et, il faut bien le confesser, étrangement sympathique. Un peu comme pour Chirac dans les Guignols de l'Info, on est tentés d'y croire. D'autant plus quand, interrogé par un journaliste sur les points qu'il semble partager avec De Gaulle, Booba joue le jeu : «Il porte une casquette, comme moi».

 

        En définitive, ce tumblr pourrait s'avérer salvateur pour l'Education nationale : démunie face à la passivité grégaire des salles de classes, voilà une manière innovante de réhabiliter le Grand Charles, dont le képi paraît aujourd'hui bien démodé aux yeux des jeunes générations.

François Topart

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Musique

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